mardi 29 janvier 2008

Les Argentins I

Depuis environ un mois, les Argentins sont en vacances (c'est l'été ici) et on en croise une craquée sur la route. Surtout des jeunes, enfin des plus jeunes que nous. Cheveux longs, look crado, guitare sur le dos, portrait de Che Guevara brodé sur le sac mais Ray-Ban sur le nez et Converse aux pieds (j'entends déjà elpatu grogner).


Faut dire qu'ils ne passent pas vraiment inaperçus. Parfois excellents, parfois un peu moins. Deux exemples pour que vous voyiez où on veut en venir.

Il y a deux semaines de cela, nous étions à Uyuni en Bolivie. Il pleuvait des cordes (comme dans le reste du pays) et plus aucun bus ne circulait vers le sud, et donc vers l'Argentine. Au moment où on se disait qu'on allait rester coincés dans ce coin du pays, une dame nous a suggéré de prendre le train. Ah, tiens..v'là une bonne idée.

Arrivés devant la gare, mauvaise surprise : attroupement d'au moins cinquante personnes devant les guichets, dont une forte majorité d'Argentins. Ça ne va pas être une mince affaire de se procurer des billets. On sent qu'il y a une certaine agitation mais on se met malgré tout dans la file. Rapidement, on comprend, vu les conditions météo, qu'aucun train ne circule vers le sud. Sur ces entrefaites, arrivent un journaliste et son cameraman. Le premier me tend le micro en me demandant ce qu'il se passe. Etant bien informé, maîtrisant parfaitement l'espagnol et voyant surtout la meute d'Argentins zieutant le micro avec des yeux de mômes recevant un cadeau de Noël, je leur cède la parole. Et salut ce que j'ai bien fait car ils en avaient, des choses à raconter.
Les uns après les autres, s'arrachant presque le micro des mains, ils crient leur désarroi. Tous plus théâtraux les uns que les autres. Cela ferait plus de deux jours qu'ils attendaient devant la gare, et qu'ils y dormaient. La compagnie de train n'aurait toujours pas ouvert ses guichets (ce que nous n'avions pas encore compris... En gros, on attendait comme des c...). Epris de solidarité, ils insistent sur le fait que, au-delà de leur propre situation, c'est celle des Boliviens qui leur fait de la peine. Ils s'estiment surtout être menés en bateau par le chef de gare qui n'a tenu aucune de ses promesses.

Ces discours toujours plus enflammés amène le chef de gare à sortir de son bureau. Flegmatique, il explique qu'il n'y peut rien s'il pleut et assure que, dès qu'un train partirait, des billets seraient vendus. Pas satisfaits du tout par ces explications, les Argentins haussent le ton. Ils affirment devoir rentrer au pays dans les plus brefs délais, sans quoi ils vont perdre leur travail. Ils ne comprenent pas pourquoi, vu la situation d'urgence, des mesures appropriées ne sont pas prises. Et si rien ne change, ils vont téléphoner à leur ambassade. A force d'être chahuté, le chef de gare retourne dans son bureau. Toujours sous l'oeil des caméras, quelques insultes fusent. Certains s'étranglent de rage. Ça chauffe et, nous, on rigole bien.



Quelques minutes plus tard, le chef de gare envoie, pour calmer tout le monde, un sous-fifre distribuer des pré-tickets pour les gens intéressés à partir vers le sud. Les Argentins se précipitent et jouent des coudes pour obtenir le précieux sésame.

A ce moment-là, nous sommes partis. En partant de la gare, on s'arrête dans une boutique d'artisanats. On raconte l'histoire à la vendeuse qui nous explique que pour aller au sud il suffit de retourner de la ville d'où on vient (au nord, à Potosí) et prendre un bus depuis là-bas, car la route est meilleure. Un détour d'une dizaine d'heures. En ressortant, on croise un des Argentins qui revient de la gare et qui nous dit qu'aucune véritable solution n'a été trouvée. On lui explique le coup du détour et lui demande pourquoi ses copains si pressés de rentrer chez eux ne choisissent pas cette option. "Dix heures de bus, c'est trop long"...

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